Naissance
d'une passion.
Les cadeaux offerts aux enfants éveillent-ils en eux plus de
passions que le monde qui les entoure?
Ma
première voiture à pédales était une ambulance,
je ne suis pas devenue infirmière ni pilote de
courses pour autant.
Cadette
d'une famille de 4 enfants, je me retrouvais les jeudis et
autres jours fériés à me trouver des expériences
"passions" aussi instructives que variées à mes
yeux dans le petit, mais néanmoins vaste monde qui
m'entourait.
Deux
de ces hobbies, certainement ont été décisifs dans
l'apprentissage du regard et de la patience qui m'amènent
aujourd'hui à vous faire partager mon expérience et ma
passion pour les maquettes et les dioramas.
Les
puzzles tout d'abord,( la découpe par ordinateur n'existait
pas encore) dont beaucoup étaient en bois assez épais et
les gravures qui y étaient collées ne supportaient que le
respect de par leur fragilité et leur préciosité. Faits
et refaits, battant chaque fois un peu plus mes propres
records que j'homologuais dans ma tête, j'avais compliqué
un peu la tâche en les exécutant faces retournées. Un
puzzle représentant la cueillette de tomates par de jolies
demoiselles en robe rouge avait ma préférence, les pièces
prises une par une semblaient être en elle-même un puzzle,
seules leurs formes, leurs contours, m'indiquaient, me
renseignaient, m'aidaient à les emboîter. Un puzzle
commencé devait être finit pour redonner vie à tous ces
personnages démantibulés, étêtés, assis dans le vide ou
qui regardait ce que je n'avais pas encore assemblé.
Le
deuxième hobby était sous mes yeux depuis toujours et
avait mit un certain temps à vraiment me captiver comme la
meilleure des gourmandises.
Les
mains de ma mère étaient en perpétuelle activité, mais là
où j'étais fascinée, s'était quand elle cousait,
ourlait, brodait, reprisait, surpiquait à la main ou à la
machine ou encore
quand elle tricotait. Je la regardais oeuvrer comme
on regarde un bon film, sans jamais quitter la salle. Le
genre de film que l'on regarde cent fois en y découvrant à
chaque fois des détails qui nous avaient échappé. Je
regardais, calme, tranquille, attentive, tout en me reculant
un peu quand c'était les machines qui prenaient la vedette
sur les mains. J'avais fait une corrélation entre les
travaux d'aiguilles et le silence, durant lesquels, le
moindre arrêt de mouvement d'aiguilles me faisait craindre
le pire, un fil cassé? Une maille de trop? Une maille en
moins? Une maille perdue? Un mauvais calcul de rangs?
Oserait-elle interrompre un spectacle pour si peu de choses ?
La séance terminée, maman évaluait la qualité de son
travail en se le présentant et l'examinant dans une posture
quasi militaire. Puis radoucie, pliait délicatement
l'ouvrage dans un linge, souvent elle se grattait
lentement la tête avec une aiguille plus longue que
ses cheveux comme pour prévenir les travailleurs qui
habitaient l'intérieur de sa tête, qu'elle reviendrait
bientôt.
J'ai
l'impression à cette époque d'avoir vécu un peu comme un
chaton, toujours pare terre à regarder et guetter les
moindres mouvements. Trop petite pour recevoir des conseils
techniques de la bouche des adultes, j'allais les chercher
dans les attitudes de leurs mains, dans leurs regards
attentifs, dans les expressions de leur visage qui disaient
si le geste avait été bon.
De
spectatrice passive je suis passée à la phase active en
voulant contribuer à l'élaboration du moindre ouvrage de
couture ou de tricot en passant par le culinaire et les
travaux ménagers. Le baptême eu lieu sur une table à
repasser, des morceaux de tissus froissés que mon maître
m'appris à transformer en mouchoir. Ceux pour les garçons
se devaient d'avoir six plis, ceux pour les filles, quatre,
ma logique me faisait croire que du fait que les garçons étant
plus grands, ils avaient de plus grands nez et donc de plus
gros rhumes. M'étais-je vraiment trompée dans ma logique?
Leurs mouchoirs étaient un peu tristes et très académiques
avec leurs rayures que je suivais de la pointe de la semelle
du fer à repasser. Les nôtres étaient joyeux et le fer
courrait au milieu des fleurs, rencontrant parfois le petit
Poucet en discussion avec le grand méchant Loup du mouchoir
d'à côté.
Une
autre tâche, consistait à faire de petites pelotes de
laine. Le trésor était préservé dans un grand sac en
tissu, trop lourd pour
mes bras qui étaient à l'époque à échelle réduite. Une
fois vidé de son contenu au milieu de la pièce, cet amas
multicolore ressemblait à un casse tête. Des yeux, je
cherchais le détonateur, un bout de laine qui ressortait
tel un petit serpent, un peu plus de l'enchevêtrement.
Toutes les couleurs y étaient et se transformaient en
boules, régulières
suivant mes désirs. C'est peut-être à cette époque que
dans la famille, nous avons arboré nos premiers pulls
jacquards.
Pour
ce qui était des gâteaux je pensais qu'il était presque
dommage de les faire cuire. Les quatre quarts aux raisins,
dont la pâte restée collée au fond du plat de préparation
me paraissait suffisamment extraordinairement bonne pour
qu'elle soit gâchée en la cuisant. Armée de ma cuillère
en bois je combattais le risque de famine en me disant que
cela serait toujours ça que le four n'aurait pas. Quand la
partie de pâte, pour moi perdue, commençait à lever dans
le four, elle se mettait à remplir la cuisine d'un autre
parfum de gourmandise, la pâte s'étant transformée en gâteau.
Maman lui plantait un couteau sur le flanc pour voir s’il
était encore vivant et qu'elle le retirait légèrement
humide en disant, encore 5, 10 minutes et il sera bon.
J'avançais
en âge par étape avec de fortes démangeaisons aux bouts
des doigts que je calmais à l'aide d'un marteau et de clous
dans la construction ou la restructuration des habitacles
d'animaux, chiens, poules, cochons d'inde, insectes.
Brindilles surmontées de mousses végétales abriteraient
qui voudraient être abrité. Les poules avaient une fâcheuse
tendance à me jouer la crise du logement en se serrant misérablement
les unes contre les autres, je leur construisais des étages
ou les plus forts salissaient les appartements des faibles
du dessous.
Au
rez de chaussée à l'abri sous des sortes de caillebotis
vivait et croissait le peuple des cochons d'inde. Quand le
problème de la nourriture adéquate à chaque espèce
habitant sous le même toit de cabane se posa, les notions
de mathématiques reçues à l'école allaient -elles me
servirent ? Gros
problème, il fallait à chaque espèce rendre sa mangeoire
inaccessible aux autres. Géométrie et trigonométrie n'étaient
encore pour moi que des noms de maladies. Je faisais au
niveau de l'espèce animale de la simple survie harmonieuse.
Prendre la taille de l'animal, la diviser par son besoin
quotidien de nourriture en tenant compte de son agilité à
se tordre le cou et de sa hardiesse à vouloir se saisir de
choses pas bonnes pour lui et la mangeoire spécifique
naquit! .
L'élaboration
de jouets farfelus et dépourvus de normes de sécurité
dont je rêvais se révéla cruciale à l'arrivée de l'ancêtre
du Lego. J'ai nommé les Pierres
magiques et leurs décors de fleurs en plastique qui
feraient rougir la N.F de nos jours. Il y a quelque 40 ans
les enfants jouaient dehors aux abords de la maison et
parfois bien, bien, bien, plus loin. A côté des maisons
proprettes élaborées par mes copines et sœur qui
manipulaient les pierres magiques comme le maçon sa
truelle, avec précision (sinon cela ne marchait pas ) et
s'inventait des demeures gigantesques auxquelles une fois
les combles construits, le manque de matériel se faisait
cruellement sentir, et qu'elles transformaient en jardin
d'hiver ouvert au cas où il y aurait un changement de
climat avant le démantèlement et le rangement fastidieux
de ces micro briques, pierres, jardinières.
Ma
mère, sentant certainement l'approche conflictuelle sous
forme de tremblement de pierres magiques, nous appris le défoulement
en forêt. Elle et sa voiture nous déposaient tous les
quatre ou autant que la voiture pouvait contenir d'enfants,
dans une clairière durant les après-midi de vacances. La
forêt et tout ce qu'elle laisse au sol, m'a permis de
construire mon premier village de Schtroumpfs en attendant
leur venue en France. Permis aussi de m'apercevoir que
toutes les maisons construites dans les arbres n'avaient pas
besoin de cave à charbon. De découvrir qu'il existait des
bois plus durs que des clous et que les arbres ne servaient
pas uniquement de perchoir aux oiseaux et aux écureuils.
La
naissance de ma première fille a donné le prétexte à mes
mains pour ne plus jamais rester immobiles.
A
fille extraordinaire, habits et jouets adaptés. Je la
regardais et je confectionnais. Des habits dans lesquels
elle se mouvait. Des doudous dans lesquels elle se
blottissait. Des jouets avec lesquels elle apprenait et
grandissait, grandissait.
Pour
ses deux ans, j'utilisais ses encore longues nuits et ses
siestes pour lui construire une ferme à une échelle
d'environ 1/30éme en contreplaqué supportant le poids et
les jeux d'enfants de cet âge. Les bâtiments abritaient
aussi bien les animaux en plastique que le camion de
pompiers en passant par le téléphone à roulettes.
Depuis ce
jour je crois être devenue dépositaire de ses envies de
jouets. Elle passait devant les vitrines de jouets en jetant
un coup d’œil. Elle devait penser que ces magasins
vendaient des jolies boîtes, toujours plus de poupées de
nounours et bien sûr, un jour, plus de place dans son lit
pour les loger. On appelait sa chambre » la caverne
d'Ali baba »
Ayant pris le parti des plus petits, une maison de poupées
en bois, avec le toit laqué rouge fut construite. J'avais
tapissé les murs, posé de la moquette, éclairé avec un
transformateur toutes les pièces. Un couple de chats
siamois sans piles mais avec des poils, avaient trouvé une
des chambres de Barbie et Kent fort à leur goût. Quand
ma muse se rendit compte que toutes ses poupées
n'avaient pas mangé depuis des mois et parfois des années,
le Père Noël fut expressément prié de livrer une cuisine
équipée à l'échelle Barbie. Echelle encore inconnue de
nos jours, avec placards ouvrants, lumières, plans de
travail et victuailles. L'assistante du père Noël de cette
époque ravie par la perspective de contenter sa fille, traça
des plans de travail carrelés, tout petits, avec des
placards à charnières et aimants, tout petits.
Tout était
petit, même le sourire du monsieur chargé de découper le
bois destiné à ce cadeau. Ne doutant plus des capacités
du Père Noël, les cadeaux commandés se succédèrent,
Barbie et ses acolytes doivent être les poupées les plus
exigeantes connues à ce jour. J'ai la voiture mais pas le
garage! .J'ai le camping car mais pas de terrain! Où le
mettre? ......Sacré père Noël ! , de toutes les poupées
que j'ai faites en ton nom il ne doit en rester que des pensées,…
de tissus doux, de visages inconnus, mais uniques.....
Trente années se sont écoulées depuis son premier Noël,
ponctuées de centaines de réalisations en tout genre dont
deux autres sœurs. Ayant quitté Paris pour la campagne du
sud-ouest et continuant mon chemin professionnel au milieu
des promoteurs et autres bâtisseurs, j'avais la désagréable
surprise à chaque séjour à la capitale de perdre des
repaires, mes repaires de Parisienne pure et dure. Des bâtiments
impersonnels surgissaient et grignotaient toujours plus de
quartiers typiques, de ruelles, de vieilles façades chargées
de mémoire. Vieilles, mais bien plus vivantes que ces blocs
de béton et de verre, hermétiques et dont il faut pousser
les portes pour savoir quelle activité s'y trouve ou s'y
cache, abritant souvent des produits aussi froids et
insipides que leur contenant. J'ai ressenti comme une
urgence, que faire? Comment faire? Des artistes bien inspirés
et alertés bien avant moi ont photographié, dessiné,
peint et raconté ce qui n'existe plus ou tend à
disparaître.
Grâce à la méticulosité, le respect et l'amour de leur
travail, perspectives, couleurs, atmosphère, inscrites sur
des cartes postales, j'ai commencé à vouloir redonner du
volume à ces immeubles qui me paraissaient être dans
l'urgence de reconnaissance.
En les remontant à la verticale et en leur redonnant
de la profondeur, en les regonflant.
Certains
quartiers de Toulouse étant eux aussi frappés de « bétonnite »,
j'ai tenté de créer une sorte de vaccin contre l'oubli
pour certaines devantures.
J'ai commencé par diagnostiquer les quartiers à
risques. J'ai pris des photos par beau temps, sous la pluie,
dans des rues où je n'aurai pas assez d'encre pour copier
les graffitis. Où la lumière était si chiche que le
crayon remplaçait la photo, fait des relevés, des tracés,
dupliqué en volume ce qui allait disparaître. De vieux
immeubles en corporations balayés par l'industrie, Vite il
faut faire vite. Copier, reproduire, restituer…..
*
Bonne visite *
|